La blockchain, ce gigantesque tableur décentralisé qui enregistre les transactions de manière chronologique et publique, est une des technologies phare du moment. Où en est son utilisation, quel impact dans le monde de l’entreprise, quels freins à l’adoption ?... Bilan et perspectives.
Qu’est-ce que la blockchain et quelle est actuellement son utilisation ?
Quand Satoshi Nakamoto a publié le livre blanc sur le Bitcoin en 2008, il ou elle (son identité reste un mystère) n’imaginait certainement pas que la technologie sous-jacente, la blockchain, serait médiatisée à ce point. Aujourd’hui, les cryptomonnaies ont un rôle de second plan au regard de la blockchain, laquelle est susceptible d’être utilisée pour lutter contre la fraude, certifier la provenance des produits, éliminer l’erreur humaine ou encore accroître la transparence, la responsabilité, ainsi que la gestion des identités.
Similaire à un gigantesque tableur décentralisé qui enregistre les transactions de manière chronologique et publique, la blockchain repose sur un processus complexe de clés privées, de noeuds de traitement et de mineurs pour stocker les transactions en toute sécurité. Un certain nombre d’entreprises ont déjà développé des applications sur cette technologie : la blockchain stimule l’innovation sur des secteurs aussi variés que les services financiers, les chaînes d’approvisionnement, les transports, l’énergie, la santé, le développement de logiciels ou encore dans les domaines réglementaires. Selon le récent sondage mondial Deloitte 2018 concernant la blockchain, “la dynamique est en train de passer de l’apprentissage, de découverte des possibles, à la mise au point d’applications commerciales”.
En plus de nombreux usages dans le secteur des services financiers, ces applications vont de la gestion des points de fidélité (Singapore Airlines envisage par exemple de déployer un programme blockchain pour l’enregistrement des miles des grands voyageurs) à la sécurisation des objets connectés (Cisco, par exemple, revendique travailler sur plusieurs projets en ce sens).
Gartner suggère dans ses dernières conclusions Hype Cycle que la blockchain pourrait “changer la donne pour les responsables de la sécurité des données, car cette technologie augmente la résilience, la fiabilité, la transparence et la confiance dans les systèmes centralisés”. Il est à parier que d’autres secteurs seront tout autant impactés.
Quel sera l’impact de cette technologie sur le monde du travail dans cinq ans ?
La blockchain est révélatrice des prochains axes technologiques que suivront les entreprises. Ainsi, après les traitements automatisés sur les données, qui sont au coeur des réflexions actuelles, l’étape suivant consistera à résoudre la question de leur sécurité et de leur responsabilité. La blockchain répondra-t-elle à toutes les problématiques ? Les personnes qui le pensent sont de plus en plus nombreuses. Cependant, le taux de répondants qui estiment que la Blockchain aura un impact majeur sur leur entreprise d’ici à cinq ans reste faible (29 %), surtout au regard d’autres résultats comme ceux concernant l’informatique cognitive. La raison est que la blockchain se concrétise pour l’heure par des projets d’appoint.
Il y a, à juste titre, une réticence à prédire l’impact d’une technologie aussi jeune. Néanmoins plus de la moitié des répondants pense que la blockchain aura au moins un certain impact. Cela place cette technologie sur un pied d’égalité avec les expériences immersives, un autre domaine du numérique qui s’implante dans les entreprises, principalement chez des industriels précurseurs.
Concernant la blockchain, le marché reste très fragmenté, mais un constat plutôt surprenant ressort de l’enquête : le Benelux est la région la plus optimiste quant à l’avenir de la blockchain ; 74 % des personnes qui y ont été interrogées pensent qu’elle aura un impact d’ici à cinq ans.
Des raisons peuvent expliquer ce phénomène. Le Benelux connaît en ce moment une forte concentration d’acteurs dans le domaine. Citons par ailleurs la création récente de l’Observatoire-forum des chaînes de blocs (blockchain) de l’UE et l’approche collaborative adoptée par un certain nombre d’entreprises, dont B-Hive, la Luxembourg House of Financial Technology et la Dutch Blockchain Coalition, pour accélérer les développements. La blockchain, du moins pour le moment, occupe le premier plan dans la région. Reste à savoir si cette tendance se poursuivra.
La blockchain nous fera-t-elle gagner en productivité ?
L’opinion des personnes interrogées sur la capacité de la blockchain à améliorer la productivité est partagée : 35 % sont d’accord et 35 % estiment qu’elle n’aura pas d’impact. 15 % des répondants pensent au contraire qu’elle réduira la productivité, sans doute par crainte de ne pas trouver assez de compétences, un classique dans le domaine des nouvelles technologies et de la transformation numérique.
Il est de fait difficile de prédire des améliorations de productivité étant donné la relative jeunesse des solutions basée sur une blockchain. Beaucoup de ces solutions, néanmoins, sont censées automatiser les vérifications et garantir les responsabilités dans les processus qui exigent d’ordinaire de nombreuses interventions manuelles. On notera que PwC a récemment étendu le concept en donnant des pistes sur la manière dont la blockchain pourrait aider les ressources humaines et impacter le monde du travail. D’après PwC, la blockchain améliorera la productivité en automatisant de manière sécurisée les tâches routinières.
De toutes les régions étudiées, c’est l’Italie qui est la plus en accord avec cette idée : 44 % des répondants s’y attendant à une augmentation de la productivité. En revanche, le Royaume-Uni est plus sceptique, 40 % estimant que cela ne changerait rien. Il est intéressant de noter que la moitié des responsables informatiques dans tous les secteurs d’activité sont d’accord avec l’Italie, ce qui suggère que les informaticiens comprennent mieux la sophistication de la blockchain au-delà du simple effet de mode. Techniquement parlant, la blockchain dynamise la recherche et le développement informatiques.
Quels sont les freins à cette technologie ?
Comme la majorité des technologies émergentes, la blockchain souffre de l’engouement qu’elle suscite. Les attentes par rapport aux possibilités réelles sont un problème courant, d’autant plus ici car la blockchain est une technologie difficile à cerner. La compréhension des technologies émergentes, jusqu’au plus haut niveau hiérarchique, est essentielle pour définir des axes stratégiques. La blockchain sous-tend par ailleurs les cryptomonnaies, dont l’image, pour le moins assez floue, est assimilée aux pirates informatiques, au Dark Web et aux cryptomineurs illégaux. Il n’est donc pas surprenant de constater que 32 % des responsables technologiques redoutent des réticences de la part de leur hiérarchie. En France, les réticences viennent plutôt de l’incompréhension des salariés envers la technologie, selon 27 % des personnes interrogées.
Le déficit de connaissances technologiques est compréhensible, tout comme la réticence dans certains processus métiers. La blockchain va changer les processus, notamment en ce qui concerne la comptabilité et le suivi des produits. L’avis des personnes interrogées était donc justifié. Il y a un mélange relativement égal de raisons pour lesquelles la blockchain est entravée et chacune d’elles influence l’autre. C’est significatif d’une technologie dont l’impact ne se limitera pas à un ou deux services, mais s’étendra à la façon dont une organisation pense et mène ses activités au quotidien.
Quelles conclusions en tirer ?
“La blockchain est une réponse qui se cherche une question”, déclare Howard Roberts, expert en technologies chez HP. Il précise que cela ne veut pas dire que la blockchain échouera ; il lui faudra juste du temps pour évoluer vers des applications spécialisées et instaurer la confiance.
“Son potentiel est énorme dans la vérification de la provenance sur les chaînes d’approvisionnement”, ajoute Roberts, “elle permettra de s’assurer qu’il n’y a pas de pièces contrefaites. Je nous verrais très bien l’utiliser sur notre chaîne d’approvisionnement.” Roberts prédit également une utilisation importante de la technologie dans la gestion des biens en location, comme avec Device as a Service, ou encore dans le suivi des usages.
Accessoirement, Roberts souligne que les plateformes de change et de paiement sont aussi des applications clés qui profiteraient de la blockchain. Il est intéressant de noter qu’Alibaba a récemment lancé une solution Blockchain-as-a-Service sur son Cloud, facilitant ainsi l’accès à la technologie pour les entreprises intéressées.
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Sources :
- https://bitcoin.org/bitcoin.pdf
- https://www2.deloitte.com/global/en/pages/energy-and-resources/articles/gx-innovation-blockchain-survey.html
- https://www.singaporeair.com/en_UK/sg/media-centre/press-release/article/?q=en_UK/2018/January-March/ne0518-180205
- https://blogs.cisco.com/retail/blockchain-in-retail-cisco-iot-alliance
- https://www.gartner.com/smarterwithgartner/5-trends-emerge-in-gartner-hype-cycle-for-emerging-technologies-2018/
- https://www.eublockchainforum.eu/
- http://www.itone.lu/actualites/blockchain-benelux-organisations-strengthen-their-collaboration
- https://www.pwc.co.uk/issues/futuretax/how-blockchain-can-impact-hr-and-the-world-of-work.html
- https://www.information-age.com/alibaba-cloud-blockchain-as-a-service-123475873/