Le gouvernement a publié le projet de décret relatif à "la mise à la disposition du public" des jugements judiciaires et administratifs, une révolution qui doit à terme permettre l'essor de services automatiques d'analyse de la jurisprudence basés sur l'intelligence artificielle.
Le principe de la numérisation des décisions de justice et de leur mise à disposition du public est acté depuis la loi de 2016 pour une République numérique, dite loi Lemaire.
Mais son application concrète soulève de grosses difficultés, tant au niveau des moyens à mettre en oeuvre qu'au niveau des principes à respecter, dont celui du respect de l'anonymat.
Le projet de décret publié pour concertation commence à lever le voile sur certaines modalités concrètes, confiant ainsi clairement la responsabilité de la numérisation et de la mise à la disposition à la Cour de cassation pour les décisions judiciaires, et au conseil d'Etat pour les décisions administratives.
Sur le fond, il prévoit que les noms et prénoms des personnes physiques seront occultés "de manière systématique", et que le juge pourra décider s'il y a lieu "d'occulter tout élément d'identification susceptible de porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée".
"Je suis heureux de voir que ce projet tant attendu semble se profiler à l'horizon, après de si nombreuses années d'attente", a déclaré à l'AFP Louis Larret-Chahine, le patron de Predictice, une start-up qui a conçu un moteur d'intelligence artificielle pour estimer le taux de succès avant d'engager une action, sur la base des jugements déjà rendus.
Chez Lexbase, un éditeur juridique 100% numérique, le directeur général Fabien Girard de Barros a également salué les "avancées" du projet de décret, mais souligné qu'il restait "des zones d'ombre".
"Le texte prévoit un délai pouvant aller jusqu'à 6 mois" pour libérer les décisions et les rendre publiques, alors que les éditeurs juridiques parviennent aujourd'hui à récupérer certaines décisions beaucoup plus rapidement, a-t-il expliqué à l'AFP.
C'est le cas en particulier pour les premières décisions d'application d'une nouvelle loi, qui suscitent toujours un fort intérêt de la communauté juridique, a-t-il expliqué.
La rédaction proposée du décret entretient également un flou sur la possibilité pour des personnes morales de demander l'occultation de leur nom, ce qui serait très dommageable, a-t-il estimé.
Pour l'instant, les éditeurs juridiques et les start-ups d'analyse de jurisprudence ou de mise à disposition de jugements recueillent chacune de leur côté les décisions judiciaires, avec leur propres moyens.