La proposition américaine d'une "solution optionnelle" pour la taxation du numérique est "inacceptable", a tranché vendredi le ministre français des Finances Bruno Le Maire, appelant les États-Unis, qui menacent Paris de sanctions douanières, à reprendre "de bonne foi" les discussions à l'OCDE.
Dans une lettre adressée jeudi à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin a réitéré son soutien aux négociations en cours pour aboutir à un accord mondial d'ici juin sur la taxation des entreprises numériques.
Mais il a aussi avancé une proposition fondée sur le "safe harbor regime" ("solution de repli"). Selon une source proche des négociations, l'expression cache un principe "d'optionalité" permettant aux multinationales de choisir entre le système actuellement en vigueur ou celui qui serait conclu au terme des débats à l'OCDE.
"La proposition américaine d'avoir une solution optionnelle, où les entreprises choisiraient librement oui ou non d'être taxées, très franchement je n'y crois pas trop (...) une solution optionnelle, évidemment, ne serait pas acceptable ni par la France ni par ses partenaires de l'OCDE", a réagi vendredi Bruno Le Maire.
"Je n'ai pas vu beaucoup d'entreprises qui acceptent librement d'être taxées; on peut toujours compter sur la philanthropie de chacun, mais je ne suis pas sûr qu'en matière de finances publiques, ça mène très loin", a poursuivi le ministre, inaugurant à Bercy un forum des industries de la mode.
Le projet de texte à l'OCDE "doit être évidemment contraignant pour toutes les entreprises", a-t-il insisté, appelant les États-Unis "reprendre le fil de la négociation (...) de bonne foi, pas sur une base optionnelle, mais sur une base contraignante pour tous les États qui signeraient cet accord".
Ces négociations internationales se compliquent pour cause de durcissement entre Paris et Washington, les États-Unis dénonçant l'instauration en France d'une taxe nationale sur les géants du numérique.
En représailles, l'administration Trump a menacé lundi de surtaxer "jusqu'à 100%" l'équivalent de 2,4 milliards de dollars de produits français, dont des champagnes, fromages, cosmétiques et articles de maroquinerie.
"Il est regrettable que ces guerres commerciales amènent aujourd'hui nos amis et alliés américains (...) à s'attaquer directement aux produits qui symbolisent notre culture française", a observé M. Le Maire, assurant que la taxation française "n'est pas discriminatoire".
Le ministre français a assuré avoir obtenu "le plein soutien" du commissaire européen au Commerce Phil Hogan pour "travailler à toutes les options de ripostes possibles" au cas où les sanctions américaines se concrétiseraient.
Dans un entretien à l'agence Bloomberg, publié vendredi, Phil Hogan a indiqué qu'il se rendrait en janvier aux États-Unis pour discuter avec Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce, des menaces de sanctions douanières de Washington contre la France.
"Nous examinons toutes les possibilités, mais nous préférons un arrangement négocié (...) Je me rendrai aux États-Unis en janvier pour rencontrer" M. Lighthizer "afin d'explorer les façons possibles de parvenir un accord plutôt que d'engager la confrontation", a souligné M. Hogan.