Le gouvernement libanais a renoncé jeudi soir à imposer une taxe sur les appels effectués via les applications de messagerie Internet, la plus impopulaires des taxes contre lesquelles des centaines de manifestants sont sortis dans la rue dans tout le pays.
Ces dernières semaines la tension est montée au Liban sur fond d'aggravation de la situation économique, avec des craintes d'une dévaluation et d'une pénurie de dollars sur les marchés de change.
Dans le centre de Beyrouth, près du ministère de l'Intérieur, mais aussi dans la banlieue sud, ou d'autres régions du pays, les manifestants ont brandi des drapeaux libanais, chanté l'hymne national et scandé "le peuple réclame la chute du régime", brûlant parfois des pneus et coupant des routes, d'après des correspondants de l'AFP et l'Agence de presse nationale (ANI).
Le ras-le-bol vise la classe politique, accusée de corruption et d'affairisme dans un pays aux infrastructures en déliquescence et où les citoyens se plaignent de la cherté de la vie.
Le ministre de l'Information Mohammad Choucair a annoncé dans la soirée que le gouvernement renonçait à cette taxe.
Plus tôt jeudi il avait expliqué que les usagers seraient facturés 20 centimes de dollar (18 centimes d'euro) pour chaque appel effectué via des services tels que Whatsapp et Viber.
Approuvée mercredi par le gouvernement, la mesure entrera en vigueur le 1er janvier 2020, a-t-il déclaré devant les journalistes à l'issue d'une réunion du gouvernement, ajoutant que la taxe rapporterait à l'Etat 200 millions de dollars par an.
Mercredi soir, le gouvernement a également approuvé une hausse des taxes sur le tabac, d'après l'ANI.
Le Parlement a adopté en juillet un budget d'austérité pour 2019 qui doit permettre de faire reculer de quatre points le déficit.
Concernant la taxe sur les appels via applications de messagerie Internet, l'organisation de défense des libertés numériques dans le monde arabe SMEX affirme que les principaux opérateurs téléphoniques envisagent déjà d'introduire un système qui permettra de détecter sur leurs réseaux les appels Internet des usagers.
"Au Liban, le prix de la téléphonie mobile est parmi les plus élevés de la région", rappelait SMEX sur Twitter. Et avec cette mesure "les usagers vont devoir payer deux fois pour les services Internet", prévient l'ONG.
TechGeek365, organisation de défense des droits numériques dans la région, dit avoir contacté le réseau social Facebook, propriétaire de Whatsapp, au sujet de la décision du gouvernement libanais.
"Un porte-parole a indiqué qu'une telle décision constituerait une violation directe des conditions générales d'utilisation", ajoute TechGeek365 sur Twitter.
Selon SMEX, Facebook a cependant déjà "par le passé accepté une taxe imposée sur les réseaux sociaux en Ouganda, ce qui de fait revient au même".
Le Liban connaît depuis plusieurs années une dégradation de son économie, souffrant notamment de la guerre en Syrie voisine, et dont les répercussions sont venues s'ajouter à une corruption endémique et des infrastructures en déliquescence.
La dette publique culmine à plus de 86 milliards de dollars, soit plus de 150% du PIB.
Beyrouth s'était engagé en avril 2018 à engager des réformes lors d'une conférence internationale en contrepartie de promesses de prêts et de dons d'un montant total de 11,6 milliards de dollars.