Le Sénat à majorité de droite a adopté lundi, avec l'assentiment du gouvernement, une série de dispositions visant à "encadrer plus strictement" l'expérimentation de collecte de données sur les réseaux sociaux pour détecter des fraudes fiscales.
Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit que les administrations fiscale et des douanes pourront collecter et exploiter les données librement accessibles sur les réseaux sociaux et les plateformes numériques (Facebook, Le Bon Coin, Twitter, etc.). Ceci à titre expérimental pendant trois ans.
Il s'agit de passer de la recherche "manuelle" de données, déjà pratiquée par les contrôleurs fiscaux, à une recherche "professionnelle", grâce à l'intelligence artificielle et l'usage d'algorithmes, comme aux Etats-Unis ou en Espagne.
"Nous luttons contre ceux qui font profession de vendre du tabac ou de la drogue sur internet", a souligné le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin. "Il ne s'agit pas de regarder ce que vous allez réserver comme hôtel sur booking.com".
Le texte "respecte les libertés publiques", a-t-il assuré.
Le Sénat a adopté des amendements du rapporteur général Albéric Montgolfier (LR) pour renforcer encore l'encadrement du dispositif, déjà bordé par les députés.
Il a ainsi précisé les conditions d'habilitation des agents pour le traitement des données obtenues.
Alors que l'Assemblée nationale avait interdit le recours à un sous-traitant pour les opérations de traitement et de conservation des données, le Sénat a également interdit la sous-traitance de leur collecte. Un sous-amendement du gouvernement précise que "la conception des outils de traitement des données" fait exception.
Les sénateurs ont encore prévu que les données "sensibles" ou sans lien avec les infractions recherchées soient "immédiatement supprimées". L'Assemblée avait prévu leur destruction dans un délai de 5 jours après leur collecte.
M. Darmanin a jugé la notion d'immédiateté difficilement applicable. Gouvernement et commission sont tombés d'accord pour qu'une formulation intermédiaire puisse être trouvée dans la suite de la navette parlementaire.
Dans un avis rendu en septembre, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) avait émis des réserves sur le projet initial, arguant qu'il était "susceptible de porter atteinte à la liberté d'opinion et d'expression" des personnes concernées.
Le sénateur centriste Loïc Hervé a défendu en vain un amendement de suppression du dispositif, expliquant partager l'objectif de lutte contre la fraude fiscale, mais jugeant "disproportionné" d'y remédier en utilisant une méthode de "chalutage" ou d'"aspiration massive" de données personnelles sur les réseaux sociaux.
"Nous n'exerçons plus le filtre nécessaire" au respect des libertés fondamentales, a renchéri Marie-Pierre de la Gontrie (PS).
vm/chl/jlp