Le président d'Arianespace Stéphane Israël a appelé lundi à une "nouvelle ambition institutionnelle européenne" en matière spatiale, afin de moins dépendre des commandes commerciales et permettre au lanceur européen d'avoir plus de visibilité.
Il y a eu 61 lancements dans le monde depuis le début de l'année, en très grande majorité des tirs commandés par des organismes gouvernementaux ou militaires.
Les deux tiers des 19 lancements américains répondaient ainsi à des commandes de la Nasa ou de l'armée, les 16 lancements chinois sont également qualifiés d'"institutionnels", ainsi que 13 des 14 lancements russes, les quatre lancements indiens et le lancement japonais, a-t-il énuméré.
A l'inverse, en Europe, six des sept lancements effectués depuis le début de l'année étaient des lancements commerciaux.
"On a un carnet de commandes aux deux tiers commercial et un tiers institutionnel. Nous sommes le seul lanceur dans le monde à être autant exposé au marché", a constaté M. Israël devant des journalistes en marge du rendez-vous annuel de la profession, la World Satellite Business Week.
Il a notamment estimé qu'un "concurrent" qu'il n'a pas nommé, l'américain SpaceX, bénéficiait d'un carnet de commandes en valeur dédié "jusqu'à 80%" aux institutions américaines".
Les Etats européens, à l'issue d'un conseil de l'agence spatiale européenne (ESA), se sont engagés à cinq lancements institutionnels pour les futurs lanceurs Ariane 6 et Vega C.
Mais avec le budget américain dévolu au spatial (civil et militaire) passant de 48 milliards de dollars en 2016 à 60 milliards en 2020, le renouveau pour les missions d'exploration spatiale ou encore la croissance des besoins en connectivité, favorables selon à lui des partenariats public-privé notamment pour couvrir les territoires isolés, "je pense que cela justifie pleinement une nouvelle ambition institutionnelle européenne", a-t-il jugé.
- "Commandes groupées" -
"J'ai conscience que les crédits ne sont pas infinis", a-t-il précisé, se félicitant du projet de budget de la Commission européenne qui prévoit 16 milliards d'euros pour les activités spatiales sur la période 2021-2027.
Mais il serait selon lui souhaitable que l'Europe contribue davantage aux missions d'exploration spatiale, que cette contribution se fasse en recourant à des lanceurs européens, "singulièrement Ariane 6", et qu'elle change ses modalités de contractualisation avec de "grosses commandes groupées", gages de visibilité.
"C'est compliqué en Europe, parce que vous avez la Commission européenne, l'ESA, Eudmedsat (exploitation de satellites météo, NDLR) et les Etats. Là, il y a encore du travail à faire", a considéré Stéphane Israël.
Sur le plan du carnet de commandes, Arianespace totalise 52 lancements: 11 pour Ariane 5 (trois contrats engrangés cette année), 24 pour Soyouz (+2), huit pour Ariane 6 (deux contrats gagnés et un transféré d'Ariane 5) et neuf pour Vega (+3).
Arianespace, qui a réalisé 17 lancements depuis le 1er janvier, dispose de "quatre opportunités de lancements" d'ici à la fin de l'année pour Ariane 5 et Soyouz, dont un depuis le pas de tir de Baïkonour, au Kazakhstan.
Ariane 6 doit effectuer son premier vol au second semestre 2020. La future fusée Vega C doit elle aussi connaître son vol inaugural en 2020 mais cela se fera "en fonction du calendrier de retour en vol de Vega", a confié M. Israël.
Le 10 juillet, le lanceur léger européen chargé de placer en orbite un satellite militaire des Emirats Arabes Unis, avait connu une défaillance, entraînant par précaution sa destruction. Il s'agissait du premier échec de Vega après quatorze succès d'affilée depuis le début de son exploitation en 2012. Arianespace et l'ESA espèrent un retour en vol au premier trimestre 2020.