L'industrie spatiale française appelle le gouvernement à "reconquérir le leadership" en Europe après avoir vu l'Allemagne devenir le premier contributeur de l'Agence spatiale européenne (ESA) devant la France, a-t-on appris jeudi de sources proches du dossier.
Lors d'une conférence ministérielle qui s'est tenue à Séville fin novembre, les 22 pays membres de l'ESA ont alloué une enveloppe globale de 14,4 milliards d'euros aux futurs programmes spatiaux, sur une durée de trois à cinq ans. L'Allemagne a créé la surprise en mettant sur la table la plus grosse enveloppe (3,3 milliards d'euros), devant la France (2,7 milliards), l'Italie (2,3 milliards) et le Royaume-Uni (1,6 milliard), ravissant ainsi aux Français, sur le long terme, le titre de premier pays contributeur de l'ESA.
En vertu de la règle de retour géographique, les pays obtiennent en contrepartie des commandes industrielles proportionnelles à leur contribution.
Dans une série de trois "notes blanches" adressées au gouvernement, la commission espace du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) dresse le bilan de cette conférence, selon ces sources, confirmant une information dévoilée par La Tribune.
"L'Allemagne s'est positionnée en leader sur des priorités de l'industrie française peu ou très peu financées par la contribution nationale à l'ESA", regrettent les industriels dans l'une de ces notes que l'AFP a consultée.
Dans le domaine des télécommunications par satellite, la contribution française au programme ARTES s'élève par exemple à 230 millions d'euros, "ce qui est très en-deçà des besoins identifiés (...) et va donc conduire à des arbitrages très difficiles pour notre filière de télécommunications spatiales", relève le Gifas dans cette note. Berlin contribue à hauteur de 326,5 millions à ce programme.
De même, l'Allemagne finance à hauteur de 13 millions d'euros un programme d'études sur la 5G quand la France a décidé de ne pas y participer.
Dans le domaine de l'observation de la Terre, "où la France est leader mondial" et qui "représente 11% du chiffre d'affaires de l'industrie spatiale", Paris (408 millions) est également distancé par Berlin (721 millions) et Rome (495 millions).
La France a privilégié l'accès à l'espace -intimement lié à la dissuasion nucléaire- en misant sur les programmes de lanceurs, liés pour l'essentiel à Ariane 6. Paris prévoit ainsi 1,055 milliards d'euros de crédits, contre 584 millions pour l'Allemagne et 538 pour l'Italie.
Sollicités par l'AFP, ni le Gifas ni le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, dont la ministre Frédérique Vidal coprésidait la conférence de Séville, n'ont souhaité réagir.