Alors que tout le monde parle de transformation numérique, d’outils et de technologie… finalement l’humain reste au cœur des préoccupations et le management en entreprise sera probablement la clé pour appréhender avec succès tous ces changements.
A l’occasion de la 4ème journée de la transition numérique organisée par eFutura, association professionnelle qui regroupe les acteurs de la transformation digitale liée à la préservation des contenus numériques, une table ronde a permis de poser la question de l’humain dans le cadre de la transformation digitale. Autour de la table, 6 experts ont exprimé leurs points de vue mais tous s’accordent pour dire que ces changements peuvent créer des peurs ou des angoisses et que l’accompagnement managérial est indispensable pour réussir la transformation numérique.
Le manager devient un réel coach
Avant de parler de management, c’est l’humain que nos experts placent au centre. Pour Wladimir Taranoff, Consultant en transformation digitale, « dans cette transformation, tout va peser sur l’humain ». Il explique que la transformation numérique, « c’est faire en sorte que l’entreprise s’adapte à la révolution numérique tout comme le monde s’est adapté à la révolution industrielle. C’est s’adapter à un monde totalement nouveau et faire face à des angoisses, des peurs, des mécanismes de rejets… ».
C’est également ce qu’explique Elodie Champagnat, Directrice Product Marketing de TalentSoft et sophrologue : « En termes de management, la transformation numérique fait peur. La peur de voir disparaitre son métier, la découverte de nouveaux métiers qui arrivent très rapidement, la peur des nouveaux outils, du changement… » Le management doit accompagner les collaborateurs. « Il a plus que jamais le rôle d’un coach, d’un neuro-manager qui doit détecter les freins, comprendre les émotions et faire du management individualisé » précise-t-elle.
La peur d’un bouleversement trop important ?
La révolution numérique est en marche et secoue le monde du travail, comme ce fut le cas lors de la révolution industrielle. Comme l’explique Wladimir Taranoff, elle change la donne dans de nouveaux secteurs. Par exemple, aujourd’hui, grâce à la technologie, une société qui ne vient pas du secteur bancaire peut se lancer sur le marché. Même situation pour le secteur de l’automobile avec l’exemple de Tesla qui n’a pas l’expérience et l’historique des géants de l’automobile mais qui a développé des technologies appliquées à l’automobile, sans parler de la voiture autonome qui révolutionnera peut-être toute cette industrie. « L’entreprise traditionnelle doit faire face à cela et s’adapter pour rester dans la course » conclut-il.
La révolution numérique fait ressortir par ailleurs la théorie économique de Schumpeter appelée « la destruction créatrice » qui veut que les entreprises obsolètes doivent disparaitre pour laisser la place à de nouvelles activités économiques. Il y a autant de positif que de négatif mais cela suscite assez naturellement des peurs de voir disparaitre son activité, son métier. Nos experts rappellent que la révolution numérique touche les métiers qui reposent sur des tâches répétitives, l’industrie mais aussi d’autres métiers comme les traders dans les banques. Dans un tout autre registre, cela concerne aussi le métier de radiologue avec les avancées de l’IA en la matière, tous les secteurs sont concernés et pas seulement les métiers dits « manuels ».
Plutôt optimistes, les intervenants ont aussi mis en lumière les aspects positifs de tout cela, à commencer par Mohamadou Diallo, fondateur et Directeur Général de Cio-Mag et des ATDA (Assises de la Transformation digitale en Afrique), qui explique que pour le Etats d’Afrique, la technologie et la transformation numérique auraient beaucoup de conséquences positives : « Le digital est un bon accélérateur et aura un impact certain sur le développement de l’Afrique au niveau de l’école, de l’évolution du marché du travail mais aussi du quotidien (comme l’accès aux soin…) ». Il ajoute « Les Etats d’Afrique ont pris conscience de ce que la transformation numérique peut apporter et beaucoup ont mis en place des plans d’accompagnement. »
Comment accompagner ?
Pour Elodie Champagnat, il faut développer les soft skills pour faire face à la transformation numérique. Les soft skills sont des compétences émotionnelles (savoir gérer une équipe, être créatif, avoir une souplesse cognitive ; bref avoir une intelligence émotionnelle). Ces soft skills viennent en compléments des compétences techniques acquises : les hard skills. « L’humain a la capacité de s’adapter et les entreprises ont la responsabilité de préparer les employés au changement en développant les soft skills » explique-t-elle. « Par exemple, l’espace de travail évolue. Il va au-delà des murs grâce aux nouveaux outils (conversationnel, collaboratif, chat…). C’est simple et ça aide beaucoup, mais il faut faire attention aux dérives et aux débordements. L’entreprise doit accompagner ses collaborateurs qui doivent apprendre à utiliser leur libre arbitre, à dire stop et qui doivent connaitre leurs priorités.
Autre volet important mis en lumière par Flora Fischer, Doctorante en philosophie des technologies à l’UTC (Université de Technologie de Compiègne). Chargée de mission au CIGREF. Membre de la CERNA (Commission de réflexion sur l’éthique de la recherche en sciences et technologies du numérique d’Allistène) : la définition d’une éthique propre au « computing ». « L’éthique appliquée au computing peut en partie être assuré en appliquant les principes déjà connus mais pour une autre partie, les comportements sont totalement nouveaux et il faut réfléchir à un cadre qui l’est aussi. C’est pourquoi, on voit apparaitre les notions d’infobésité, de droit à l’oubli, de droit à la déconnexion, de la dépendance by design ou encore de gouvernementalité algorithmique » explique-t-elle. Contrairement à l’IA qui suscite beaucoup d’interrogations et de débats, les autres problèmes d’éthique liés au computing restent dans l’ombre : « Ce n’est pas conscient, c’est invisible et il n’y a aucun débat dessus, pas de réflexion sur comment cadrer cette pratique » regrette-t-elle.