Un expert de l'ONU a demandé mardi un "moratoire immédiat" sur les ventes de technologies de surveillance jusqu'à l'établissement de règles pour empêcher des sociétés de vendre des produits qui permettent à des Etats de violer les droits humains.
Alors que les sociétés qui exportent des armes sont généralement soumises à des contrôles stricts des gouvernements, les entreprises qui proposent du matériel de surveillance ne font l'objet d'aucun "contrôle au niveau mondial ou national", a déploré le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d'opinion et d'expression, David Kaye.
Dans un nouveau rapport présenté au Conseil des droits de l'Homme à Genève, il a dressé la liste des produits -- de l'intrusion informatique aux outils de piratage de mobiles -- que les Etats peuvent acheter pour espionner les opposants, journalistes ou militants.
Il a qualifié le secteur de la surveillance de "foire d'empoigne" où les sociétés s'autorégulent en l'absence de contrôles sérieux sur les exportations.
M. Kaye a cité deux entreprises qui ont publié leurs propres règles de bonne conduite, mais qui en fait, selon lui, "évoquent de façon vague la nécessité de respecter les droits humains". Il s'agit de la société Hacking Team, basée à Milan, qui selon son site internet est spécialisée dans "la sécurité offensive", et de la société israélienne NSO Group.
Dans un message à l'AFP, une porte-parole de NSO Group a indiqué que la technologie développée par cette société "aide à prévenir des attaques terroristes, à lutter contre les réseaux de trafic de drogue et de prostitution et à sauver des enfants kidnappés, mais ce n'est pas un outil devant être utilisé contre des militants des droits humains ou des dissidents politiques".
"C'est la raison pour laquelle nous avons mis la barre si haut avant d'accepter un client", a-t-elle dit. Le "Comité d'éthique" de la société "peut bloquer une vente (...) en dépit de son intérêt commercial".
L'autre société, Hacking Team, n'a pas réagi dans l'immédiat.
M. Kaye reconnaît que la mise en place d'un cadre juridique international pour gérer la production et l'exportation des technologies de surveillance allait prendre du temps: "En attendant, un grand nombre de journalistes, de militants, de défenseurs des droits humains et d'opposants politiques vont être à la merci de gouvernements encouragés par la grande variété d'outils de surveillance à leur disposition".
L'expert a estimé que les sociétés devaient "cesser immédiatement la vente et le transfert" de ces technologies jusqu'à ce qu'elles satisfassent aux critères prouvant qu'aucun de leurs produits ne violent les droits humains.
Les rapporteurs spéciaux sont des experts indépendants qui ne s'expriment pas au nom de l'ONU, mais communiquent les résultats de leurs recherches aux Nations unies.