La Commission européenne a ordonné mercredi au fabricant américain de semi-conducteurs Broadcom de cesser "immédiatement" ses pratiques anticoncurrentielles, un nouveau coup porté par Bruxelles à une marque de la Silicon Valley.
Il survient dans un contexte commercial particulièrement tendu entre les Etats-Unis et l'UE, à deux jours de l'entrée en vigueur de sanctions douanières américaines contre des produits européens, en représailles aux subventions accordées à l'avionneur européen Airbus.
La décision mercredi de l'exécutif européen est très rare: alors que son enquête est toujours en cours, il demande à l'entreprise d'arrêter tout de suite ses pratiques, tant les dégâts pourraient être "graves et irréversibles" pour la concurrence, a-t-il indiqué dans un communiqué.
Concrètement, Bruxelles exige de Broadcom qu'il cesse d'appliquer certaines clauses figurant dans des contrats passés avec six de ses principaux clients, des fabricants de décodeurs de télévision et de modems.
Les clauses incriminées sont, par exemple, des obligations d'achat exclusif, ou quasi exclusif, ou encore des avantages commerciaux tels que l'octroi de rabais ou d'autres avantages subordonnés à l'exclusivité ou à des exigences minimales d'achats.
Selon la Commission européenne, toutes ces clauses "sont de nature à renforcer la position dominante présumée de Broadcom pour ses produits" et, par conséquent, d'évincer ses rivaux.
Dans un courriel adressé à l'AFP, un porte-parole de Broadcom a indiqué qu'il allait "se conformer" aux exigences de Bruxelles, mais qu'il ferait en même temps appel de cette décision devant la Cour de justice de l'UE établie à Luxembourg.
C'est la première fois depuis 18 ans que la Commission européenne prend une telle décision de mesures immédiates alors que l'enquête - ouverte le 26 juin - n'est pas terminée.
"Nous ne pouvons tolérer le comportement de Broadcom parce qu'il en découlerait des prix plus élevés pour les clients et les consommateurs européens, de même qu'un choix plus restreint et une innovation moindre", a déclaré la Commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, citée dans le communiqué.
La dernière fois que Bruxelles avait ordonné à une entreprise de cesser immédiatement ses pratiques anticoncurrentielles, en 2001, cela concernait les agissements en Allemagne de la firme américaine IMS Health (études pour l'industrie pharmaceutique).
Or cette décision avait par la suite été retoquée devant la Cour de justice de l'UE, qui avait tranché en faveur de l'entreprise visée en considérant qu'il y avait trop d'incertitudes sur l'existence d'un abus.
Ce précédent ne semble pas impressionner Mme Vestager, qui va, dans la nouvelle équipe à Bruxelles, bénéficier de pouvoirs accrus, avec son portefeuille de la Concurrence couplé avec celui du Numérique.
Mme Vestager s'était attiré les foudres du président américain, Donald Trump, qui l'avait accusée de "détester les Etats-Unis", en raison de son intransigeance vis-à-vis des entreprises d'Outre-Atlantique. La commissaire danoise a toujours réfuté ces critiques.
Jusqu'ici, dans ses derniers bras de fer avec les géants américains du numérique, la Commission avait plutôt choisi la voie de longues enquêtes, comme celle concernant Google, qui se sont terminées par plusieurs amendes à la clé.
L'enquête sur le fond contre Broadcom se poursuit et elle pourrait se solder par des sanctions financières pouvant atteindre jusqu'à 10% du chiffre d'affaires annuel du groupe.
En 2009, le géant américain des puces électroniques Intel avait été condamné à une amende d'1 milliard d'euros dans une affaire similaire.
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